Ce
livre illustre le combat de ceux qui ont choisi pour nom "les Robins des
bois de l’énergie" : ils rétablissent le courant ou le gaz aux familles en
grande difficulté à qui EDF ou GDF l'a coupé, en raison de factures impayées.
C'est la défense du service public et un sens aigu de la solidarité qui guident
ces actions clandestines.
Préface de Dominique Girardot,
Auteur de La société du mérite, idéologie méritocratique et violence néolibérale.
Éditions Le fil de l’eau, 2011.
La vie de Dominique Liot est d’une singulière cohérence. Étudiant
de l’INSA, à quelques mois de son diplôme, il se détourne de son avenir
d’ingénieur pour « aller vivre la
vie de ceux qui ont le plus d’intérêts à ce que le monde change vraiment » :
pas question d’être du côté des chefs. Monteur à EDF, il sera un Robin des bois
de l’énergie sanctionné pour avoir publiquement revendiqué la remise en service
de l’électricité à un couple de RMistes et leur petite fille : pas
question d’être au service de ceux qui oppriment la misère – l’accès à
l’énergie est un service public. Du
jeune homme à l’homme approchant de la retraite, un seul trait :
l’exigence de vivre – et donc travailler – humainement. Pas de plan de
carrière, mais une vie qui ne renonce jamais au sens de ce qui est fait.
Cette vie ne manque donc pas de panache. Pourtant Dominique Liot
ne verse jamais dans le contentement de soi. C’est que jamais il n’oublie ce
que l’action, aussi exemplaire soit-elle, doit aux autres. Loin des
emportements narcissiques de l’individu contemporain, il sait que s’il porte un
monde, ce n’est pas sur la pointe aiguisée de sa conscience, mais avec
d’autres, toujours. Pas de moralisme : il ne nous fait pas la leçon ;
son orientation est, de façon essentielle, politique. Agir, c’est agir parmi
les autres et avec eux. C’est pourquoi « militer n’est pas une croix à porter » ; c’est trouver le chemin de l’action ensemble, et
rencontrer le « réel plaisir à se
retrouver avec d’autres pour essayer de faire avancer les choses (…), œuvrer
ensemble pour le bien de tous ».
Son action de Robin des bois de l’énergie, Dominique Liot
l’inscrit dans la transmission : il s’agit de faire vivre les valeurs
reçues du programme du Conseil national de la Résistance, d’affirmer
le sens du service public tel qu’il est pensé et mis en place au lendemain du
traumatisme de la Seconde Guerre mondiale – contre toutes les dérives d’une
société qui exclut –, construire un monde humain, faire une place digne à
chacun. Par leurs actes de désobéissance civile, les Robins des bois de
l’énergie incarnent de façon exemplaire le sens de la lutte syndicale, porteuse
d’exigences de transformation sociale. Ils mettent en actes le refus qu’une
ressource fondamentale serve au profit de quelques-uns ; ils portent par
leur action, face aux défaillances d’un État qui ne comprend plus quel espoir
l’a fondé, le droit à l’électricité pour tous.
À la Libération, les
hommes réunis autour de Marcel Paul imposèrent, contre le projet - plus
conciliant aux intérêts industriels - de Louvel et Ramadier, la nationalisation
de l’électricité et du gaz, liant par le fait, avec force, démocratie et
service public. Dominique Liot fait partie des militants qui reprennent le
flambeau de cette grande avancée sociale, aujourd’hui gravement mise à mal.
C’est pour moi un bonheur,
et un honneur, de préfacer le récit que l’on va lire – et ce d’autant plus que
mon grand-père, Pierre Girardot, fut le rapporteur du groupe communiste devant
l’Assemblée nationale constituante qui s’ouvrit le 22 mars 1946 pour discuter
cette question de la nationalisation. La vie nous tisse parfois de ces belles
surprises…